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ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

La francisation en milieu communautaire en temps de pandémie

arbre avec des drapeaux de différents paysLa francisation au Québec

Au Québec, la francisation des personnes immigrantes est généralement assurée par le Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Ce dernier conclut des ententes ou des contrats avec six types d’organisations qui, elles, dispensent l’enseignement. Ces organisations peuvent être :

  • Un cégep
  • Une université
  • Un organisme à but non lucratif
  • Un centre de services scolaire (ancienne commission scolaire)
  • Une entreprise et autre organisation en milieu de travail 
  • Autres1

Les cours peuvent être suivis soit à temps complet, à temps partiel, en ligne ou en milieu de travail1

L’ICÉA a voulu vérifier si et comment les cours de francisation sont réorganisés, en cette période de pandémie dans le milieu communautaire, soit les organismes à but non lucratif (OBNL). Les cours de francisation du MIFI dispensés au sein des organismes à but non lucratif sont offerts uniquement à temps partiel. L’apprentissage à temps partiel implique un minimum de 4 heures et un maximum de 15 heures de formation par semaine1. Les cours de francisation sont donnés par des enseignantes et des enseignants du MIFI dans les locaux des OBNL. Les OBNL offrent aussi d’autres services d’accueil et d’intégration aux personnes immigrantes qui varient d’un organisme à l’autre.

Pour réaliser cet article, l’ICÉA a contacté par téléphone vingt-trois OBNL. De ce nombre, quatre ont pu répondre à nos questions2. Parmi ces quatre organisations, trois offraient des cours de francisation à temps partiel avant la pandémie.
Les mêmes questions ont été posées aux quatre OBNL durant l’échange téléphonique, soit :

  1. Vous offrez des services de francisation. Est-ce que ceux-ci se sont poursuivis en ce moment malgré la COVID-19?
  2. Si oui, comment les donnez-vous? À distance? Par téléphone? Par courriel? Par vidéoconférence? Autre?
  3. Comment évaluez-vous les résultats?
  4. Si vous ne poursuivez pas la francisation, pourquoi?
  5. Comptez-vous poursuivre certains services en ligne après la pandémie?
  6. Quelles sont les leçons que vous tirez de cette crise pour les services de francisation?
Maintien des apprentissages

Les trois organismes qui offraient déjà le service de francisation avant la pandémie ont pu le maintenir à distance. Rappelons que ce sont les enseignantes et enseignants du MIFI qui assurent ce service. Une répondante a précisé par courriel que : 
« Le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration (MIFI) a maintenu les contrats prévus avec les mandataires communautaires où sont donnés des cours de français à temps partiel pour la session Printemps 2020 qui avait commencé le 30 mars 2020.
Ainsi, malgré la COVID-19 [l’organisme interrogé], en collaboration avec le MIFI, a pris toutes les mesures nécessaires pour offrir une continuité pédagogique afin que les étudiants poursuivent leur apprentissage du français à distance. Cependant, seuls les groupes en reconduction sont restés ouverts.  Pour cette raison, la possibilité de continuer l’apprentissage à distance a été offerte aux étudiants déjà inscrits à la session hiver 2020, actifs au moment de la suspension des cours le 13 mars 2020, et réinscrits à la session printemps 2020. »

D’ailleurs une missive dans le site du MIFI indique que : 
« Les cours de français en présentiel sont suspendus jusqu’à nouvel ordre.
Pendant la période de suspension, le personnel enseignant assure la continuité pédagogique à distance auprès des élèves. La participation et l’assiduité des élèves sont requises.
Les allocations de participation sont maintenues auprès des personnes qui étaient présentes dans un groupe au moment de la suspension des cours. Cependant, les allocations de frais de garde et de transport sont suspendues depuis le 30 mars 2020. »3.

Deux autres OBNL confirment le maintien de leurs cours seulement pour les personnes inscrites à la session hiver 2020, actives au moment de la suspension des cours le 13 mars 2020 et réinscrites à la session printemps 2020. L’un de ces OBNL indique que treize groupes poursuivent ainsi leur apprentissage. Dans ce deuxième organisme, les cours de tous les niveaux sont maintenus, soit les personnes de niveau débutant qui ont commencé à l’hiver et qui possédaient le niveau deux en compréhension orale à ce moment, les personnes de niveau intermédiaire et avancé. Les différentes modalités sont aussi maintenues, soit des cours de douze, neuf ou six heures par semaine, de jour, de soir ou de fin de semaine. 

Ces deux organismes maintiennent également certains autres services, notamment le soutien individuel par téléphone ou courriel. L’un d’eux propose des ateliers de groupes, par visioconférence ou webinaire, sur différents sujets liés à la pandémie, par exemple les mesures de soutien financier, le retour à l'école, le système de santé québécois, etc.

Les moyens de formation à distance

Différents moyens sont utilisés pour offrir la formation à distance. Dans certains cas, les gens s’inscrivent et peuvent consulter les capsules dans l’intranet du MIFI. Dans d’autres cas, l’enseignante ou l’enseignant envoie par courriel le travail à réaliser en ligne. Les interactions peuvent aussi avoir lieu par téléphone, courriel ou visioconférence.

Une répondante précisait par courriel : « L’enseignement à distance comportant en effet des difficultés supplémentaires et [notre organisme] reste plus que jamais présent pour soutenir et accompagner, dans la mesure de ses possibilités, aussi bien les professeurs que les étudiants ». 

Les quatre organismes joints avaient de la difficulté à évaluer le résultat des efforts d’enseignement à distance. Cela dit, une répondante précisait par courriel : « Cette méthode semble bien fonctionner et les étudiants apprécient de garder le contact avec leur professeur. Bien sûr, l’interaction professeur/étudiant est différente et la cohésion du groupe est moindre. Il convient de garder à l’esprit que cette mesure demeure temporaire ».

Des obstacles

Malheureusement, ce ne sont pas toutes les personnes inscrites à la francisation qui ont pu poursuivre leur formation à distance. Ce sont souvent les mêmes obstacles qui les en empêchent.

La barrière de la langue est en soi un obstacle. Ce sera plus difficile, voire impossible, de suivre une formation à distance pour les personnes nouvellement arrivées qui parlent peu ou pas le français ou l’anglais. Plus le niveau de maitrise du français est élevé, plus il sera facile de lire pour apprendre.

De même, les autres services dispensés par l’organisme sont plus difficiles à offrir à distance. Par exemple, les communications gouvernementales sont soit en anglais ou en français de sorte que les personnes ont de la difficulté à décrire par téléphone les documents qu’elles ont reçus. Pour les aider à remplir un document, ce sera beaucoup plus long et il y a un risque d’erreur plus élevé. Aussi, si le lien de confiance n’est pas déjà établi avec les personnes nouvellement arrivées, ces dernières peuvent hésiter à partager certaines informations. Elles ne comprennent pas forcément le fonctionnement et le rôle des groupes communautaires au Québec.

La difficulté à concilier le travail à la maison avec la présence des enfants est aussi un autre obstacle que plusieurs parents vivent, immigrants ou non. Pour les ménages à faible revenu, l’accès à Internet ou à un appareil (tablette ou ordinateur) est plus limité, voire inexistant. Dans d’autres cas, les enfants doivent aussi poursuivre leur formation en francisation alors que le nombre d’appareils est limité. Aussi, certaines personnes âgées ont plus de difficulté à fonctionner avec le matériel informatique ou Internet et se verront dans l’impossibilité de poursuivre leur formation.

Enfin, d’autres personnes occupent un travail à temps partiel sur appel et leur horaire n’est maintenant plus compatible avec celui de la formation. Dans ce cas, l’organisme tente d’accommoder les personnes en offrant plus de souplesse dans l’horaire. Il offre également la possibilité aux personnes de poursuivre leur formation par elles-mêmes à partir de marche à suivre donnée par écrit. 

Et après la pandémie?

Les quatre organisations interrogées ont dit vouloir offrir plus de services à distance. Pour l’un, il sera possible de tenir des rencontres individuelles avec les gens par téléconférence. Le fait de ne pas avoir à se déplacer dans les bureaux de l’organisme peut être très avantageux pour les familles qui n’ont pas accès à des services de garde. Un autre organisme évaluera la possibilité de procéder aux inscriptions à la francisation en ligne. 

Cela dit, certains services comme l’accompagnement restent plus faciles à offrir en présence, surtout pour les personnes nouvellement arrivées. Quoi qu’il en soit, nous répond par courriel une répondante :
« L’objectif reste inchangé : aider les nouveaux immigrants au Canada dans leur quête d’intégration, et surtout promouvoir la langue française comme vecteur principal d'intégration dans la société québécoise ».

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Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration. 2020. Programme d’intégration linguistique pour les immigrants. Exercice financier 2019-2020, 11 p. 

2 Nous remercions les quatre organisations qui ont généreusement accepté de répondre à nos questions, nommément l'organisme Bienvenue NDG et Olga Borcovscaia qui ont accepté que leurs noms soient cités.

3Site du MIFI, consulté le 6 mai 2020 : https://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/informations/actualites/act...